Année 132 - Avril 2020En savoir plus
Dans les animaux, la sagesse du Créateur
frère Luciano Bertazzo
Chers amis, avec ce numéro, nous allons conclure le discours que nous avons tissé durant ces trois années sur le regard que saint Antoine portait sur le monde animal. Nous y avons présenté concrètement les animaux auxquels il fait allusion dans ses sermons. Nous avons découvert qu’ils sont au nombre de 130, un vrai zoo. Nous ne pouvions pas les citer tous, à la fin cela aurait été ennuyeux.
Cependant, arrivé à la fin de ce parcours, je voudrais vous rappeler de quelle manière saint Antoine utilise leur présence: il ne se sent pas lié à quelque animal en particulier comme cela arrive en revanche dans l’iconographie de certains saints, saint François avec le loup, saint Antoine abbé avec le cochon, saint Hubert avec le cerf, saint Romedio avec l’ours, pour souligner que c’est l’animal lui-même qui donne une identité au saint représenté. Antoine parle beaucoup des animaux mais il n’existe pas de lien d’identification avec eux; ils sont plutôt utilisés dans la prédication pour renvoyer à la signification morale proposée par le Saint.
Des animaux qui sont saisis comme des «messages» provenant du «grand livre de la nature» où ceux qui sont capable d’aller au-delà peuvent saisir le Créateur. Antoine nous dit: «L’œuvre du Seigneur est la création qui, bien considérée, peut amener celui qui la contemple à la considération de son Créateur. Si une telle beauté existe dans la nature combien de beauté chez son Créateur? La sagesse de l’auteur resplendit dans la matière» (II Dimanche de l’Avent 4). Le Saint de Padoue en saisit la sagesse tandis que saint François en saisit la beauté.
Nous savons bien heureusement qu’Antoine n’est pas François car ainsi ils ont offert chacun à leur tour sa propre identité et sa propre richesse. Mais nous remarquons la même sensibilité: celle du saint d’Assise résonne avec la beauté poétique et la sagesse théologique dans le Cantique de frère soleil: «Loué sois-tu mon Seigneur avec toutes tes créatures spécialement monsieur frère Soleil lequel est le jour et par lui tu nous illumines.
Et il est beau et rayonnant avec grande splendeur, de toi, Très Haut, il porte la signification». «De Toi Très Haut, il porte la signification»: tout a un sens dans le Créateur. Chez François c’est la stupeur de la louange qui explose; dans le disciple Antoine, à la lumière des sermons, tout devient connaissance de la création et de ses créatures. Peut-être notre visite au «zoo» d’Antoine a-t-il étonné (ou gêné?) certains d’entre vous en raison des nombreuses allusions allégoriques, des rappels moraux avec lesquels on cite les animaux en renvoyant souvent aux sources scientifiques disponibles pour le Saint (au point de se sentir presque obligé à les consulter comme il le dit dans l’introduction aux Sermons).
En attribuant une signification morale au comportement des animaux, créatures du Créateur, le lecteur était invité à analyser ses sentiments, à mieux se connaître lui-même et ses propres ambivalences: le but du Saint était de susciter la conversion à une vie plus humaine et moins bestiale! Un frère dominicain, Humbert de Romans (1200-1270), contemporain d’Antoine, nous a laissé un beau témoignage: «Dieu versa sa sagesse dans toutes ses œuvres et à cause de cela saint Antoine dit que les créatures sont un livre et que dans ce livre ceux qui savent lire puisent un riche matériel très utile pour la prédication».