Année 132 - Janvier 2020En savoir plus
Es-tu celui qui doit venir?
abbé Livio Tonello, directeur
L’évangéliste Luc, comme un metteur en scène, zoome et passe d’une vision panoramique “de toute la terre” au Moyen Orient (Syrie) pour se focaliser sur la Palestine (la Galilée et la Judée) puis sur Bethléem et enfin sur les visages d’un homme et d’une femme, Joseph et Marie, et ce faisant c’est comme s’il condensait l’Histoire Universelle dans leur petite histoire familiale.
On comprend le malaise de ce couple après un long voyage et le peu d’intimité qui caractérise le lieu où ils se trouvent. La naissance de l’enfant a lieu dans la précarité: il y a tellement de monde dans cette pièce que Marie a dû coucher l’enfant dans la mangeoire pour les animaux.
La veillée immobile des bergers se juxtapose à la foule qui bouge; le chant des anges dans les cieux répond à l’édit impérial, la nuit silencieuse de la campagne contraste avec la confusion des langues que l’on parle à Bethléem. Quelques kilomètres à peine nous sépare du hameau de Judée et des milliers de miles de la grande ville de Rome... Nous sommes dans un autre monde, dans celui de ceux qui ne comptent rien.
Les bergers n’avaient pas de domicile fixe, ils ne pouvaient pas témoigner et on les considéraient souvent comme des voleurs. Cependant ils seront les premiers témoins du mystère du salut. Les bergers «furent saisis d’une grande crainte» car l’homme devant Dieu se sent petit et nu. La bonne nouvelle est «n’ayez pas peur» car Dieu est plus proche. La grande joie annoncée aux bergers est pour tous.
La joie est grande, proportionnée à la peur qui l’a précédée. «Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple. Et voici le signe qui vous est donné: vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire».
Dieu donne des signes à l’homme, comme le signe de Caïn, du sang sur les portes des juifs, l’arc-en-ciel, la circoncision, comme épreuve de sa présence salvifique au sein du peuple. Jésus est le signe par excellence mais dans un contexte familial (la mangeoire) pour souligner que le Messie est vraiment leur roi, un roi-berger. Jésus est un signe éloquent mais uniquement pour ceux qui ont la foi.
C’est le même principe que celui des paraboles: ceux qui croient comprennent. C’est un signe faible mais les bergers croient et voient en devenant les témoins oculaires et les “anges” qui annoncent le mystère. Voilà quel est l’épisode raconté par Luc et que nous écouterons pendant la Messe de minuit et à celle de l’aurore le jour de Noël.
Pendant la Messe du jour, en revanche, nous écouterons l’Évangile à savoir le Prologue de Jean, un hymne qui contient le sens de tout: Jésus est la vraie Lumière envoyée par le Père. La lumière prendra le dessus à la fin mais elle connaîtra d’abord le refus et la fermeture car nous préférons l’obscurité.
La lumière ne s’impose pas. «Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous». C’est le sommet du prologue. Ce sont des paroles que nous écouterons à genoux, pleins de stupeur face à Dieu qui, par amour, se dépouille de sa gloire en prenant notre chair et en devenant l’un d’entre nous. «C’est bien toi celui qui vient ou attendons-nous quelqu’un d’autre?».
C’est la question que Mère Thérèse se posa en regardant les personnes qui remplissaient sa maison et ses structures: des aveugles, des boiteux, des lépreux, des pauvres, des moribonds. «Oui, c’est vraiment toi celui qui doit venir!».