Année 132 - Mai 2020En savoir plus
Il y avait autrefois (et peut-être encore aujourd’hui) les fiancés
monseigneur Giampaolo Dianin, évêque
La parole “fiançailles” semble rappeler une expérience d’une autre époque ou un mot vague pour définir simplement un couple qui vit ensemble avec comme seul but immédiat celui de jouir du bonheur et de la gratification de leur condition. La liberté et la spontanéité semblent être les vraies règles de l’expérience d’amour sans s’apercevoir que l’amour lui-même entraîne ses protagonistes et que garder la juste distance sans trop s’engager n’est qu’une théorie tandis que la réalité amène bien au-delà de ces frontières.
En effet, on constate souvent que de nombreux et jeunes couples, entraînés par les émotions, arrivent au mariage avec un projet de vie superficiel et sans bien comprendre les racines intérieures de leur liaison. La cohabitation est le nouveau nom des fiançailles et elle devient une sorte de formation pour le mariage basée sur diverses raisons: pour certains le refus d’une institution comme le mariage, pour d’autres la manière reconnue par la plupart des personnes de vivre l’expérience de couple: aucun refus du mariage mais pour le moment, il est mieux de cohabiter en basant tout sur le désir de vivre ensemble.
Toutefois nous savons bien que les bonnes intentions ne suffisent pas, que les rêves ont besoin de réalisme et qu’il ne faut pas sous-estimer les défis que notre culture lance à ceux qui veulent s’aimer et fonder une famille. Dans un tel contexte ne seraitil pas important de redécouvrir pour le couple l’importance institutionnelle aussi de ce que la tradition appelle “les fiançailles”? Le Pape François écrit: «La complexe réalité sociale et les défis auxquels la famille est appelée aujourd’hui à faire face demande un majeur engagement de toute la communauté chrétienne pour la préparation du couple au mariage» (AL 206).
Le théologien Paolo Sequeri disait: «Le thème de la sollicitude de l’Église pour la famille n’est pas un idéal métaphysique qui ne connaît pas les incertitudes dans lesquelles la famille vit et se construit, où elle peut se perdre et se retrouver. Se charger de la famille, de sa vie et de ses vicissitudes n’est pas un geste de condescendance. C’est une histoire de passion, non seulement de compassion» (L’Observateur romain, 13 avril 2016). Il s’agit d’abord de faire un peu de clarté sur quelques termes: affect, émotion, lien. Les émotions, très instinctives, devraient mûrir au sein des sentiments qui concernent aussi l’intelligence et la volonté et qui cherchent un lien au-delà d’un moment.
On se demande: quel est le sentiment amoureux à la hauteur du choix de vivre ensemble toute la vie? Quel est le rapport entre lien et liberté? Ce n’est qu’après s’être focalisé sur la signification de ces termes que l’on pourra se poser une autre question: comment se préparer à vivre cet amour, quelles attitudes personnelles, quelles étapes et quels soutiens sont utiles et peut-être nécessaires à son développement adéquat? Si on voulait penser à nouveau aux fiançailles, cela ne pourrait pas être un choix venu d’en haut basé sur la compréhensible préoccupation de bien préparer un mariage. Une éventuelle action pastorale en faveur des fiançailles doit venir du bas, quand les couples, les opérateurs pastoraux et l’Église auront saisi le côté engageant de l’amour et de la vie du couple.
Dans ce contexte culturel, l’amour et le lien n’exigent pas seulement une qualité différente de la préparation au mariage mais aussi une véritable refondation de l’institution des fiançailles. Il s’agit d’un défi historique que nos évêques avaient bien compris déjà en 1993 en consignant à l’Église italienne le directoire pour la pastorale familiale. «La pastorale de préparation pré-matrimoniale sous tous ses aspects, constitue l’un des chapitres les plus urgents, importants et délicats de toute la pastorale familiale. Cette pastorale se trouve devant un tournant historique.
Elle est appelée à une confrontation claire et ponctuelle avec la réalité et avec un choix: se renouveler profondément ou se rendre toujours plus marginale et sans incidence. D’ici en particulier la nécessité de l’attention pastorale pour les fiançailles pour aider à en vivre le sens humain et chrétien et pour une préparation au mariage plus attentive, ponctuelle et articulée» (CEI Directoire pour la pastorale familiale en Italie, n. 40).
Dans cette affirmation, nous trouvons les points importants: la conscience d’être à un tournant historique, la confrontation nécessaire avec la réalité et donc avec la manière de vivre les affects, les sentiments, les choix et les liens; l’importance de vérifier la situation existante pour arriver à opérer au sein des choix pastoraux; la priorité du soin des fiançailles pour en redécouvrir et en vivre le sens humain et chrétien; la préparation plus attentive et plus articulée du mariage et donc la question des itinéraires et des accompagnements au mariage.
Le Pape François est bien conscient de cette urgence et il écrit: «Apprendre à aimer quelqu’un n’est pas quelque chose qu’on improvise, ni le but d’un cours de préparation au mariage» (AL 208).