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La beauté que le temps n’emporte pas

don Lino Moscarelli

«La beauté sauvera le monde»: même si cette célèbre affirmation du prince Myskin dans L’idiot de Dostoïevski n’a pas toujours été interprétée de la même manière donnant des significations différentes à ce que l’auteur entendait par la beauté, nous citons souvent ce passage pour souligner avant tout que le beau, qui est le propre de l’art, n’est pas une fin en soi puisqu’il est doué d’un charme salvifique qui n’est absolument pas illusoire.

L’art n’est que le paradigme des infinies conjugaisons de l’idée de beauté dans ce monde. Pour nous, hommes du troisième millénaire, quelle est cette beauté qui sauve? Dans nos cœurs, siège des choix qui donnent une forme à notre vie, chacun de nous garde une place spéciale à ce que nous considérons digne d’être appelé «beau». Pour faire en sorte que la beauté puissent devenir un phare dans la tempête et nous guider vers un port sûr, elle doit être capable de résister à l’épreuve du temps.

En effet, c’est le tribunal du temps qui émet une sentence définitive quant au pouvoir de salut que la beauté peut exercer. C’est ainsi que la catégorie de la beauté rencontre celle du temps. Nous sommes à la recherche de la beauté authentique, capable de transformer notre temps en un temps «beau» tandis que le temps lui-même, avec son inexorable écoulement, nous garantit que la beauté est clairement véritable que si elle ne meurt pas pour au contraire refleurir et mûrir chaque jour.

Reconnaître la beauté authentique signifie aller audelà de l’attraction superficielle et découvrir en quoi investir notre temps, nos capacités et nos énergies. Nous devons apprendre que, comme pour les anciens Grecs la beauté était déterminée par la proportion de chaque partie par rapport au tout, pour nous aussi, une vie réellement belle dépend de l’harmonie que nous sommes capables de lui donner.

Nous devons relire avec attention les paroles de saint Augustin qui nous rappelle que l’amour est la beauté de l’âme et que sans l’irremplaçable ingrédient de l’amour, on peut difficilement parler de beauté à propos des actions que nous entreprenons. Nous devons récupérer, avec saint Thomas d’Aquin, le sens du beau qu’il pensait perdu à son époque. Évidemment son affirmation ne faisait pas allusion à la dimension simplement esthétique.

La beauté est douée d’une splendeur totale et elle se manifeste clairement. Ce sont nos yeux myopes, aveuglés par des lumières artificielles et trompeuses, qui souvent n’arrivent pas à la voir. Pour cette raison il est urgent de savoir la reconnaître dans notre vie afin qu’elle devienne le chef-d’œuvre de Dieu. Allons à l’école des saints qui se sont laissé séduire par la beauté d’une vie dévouée à l’amour.

Ils n’ont pas eu peur des contradictions que l’amour implique mais ils les ont transformées en un tout harmonieux car ils savaient que ce sont les clairs-obscurs qui donnent de la profondeur à un tableau et que sans eux, l’artiste ne pourrait pas nous rendre le goût de la vérité dans toute sa beauté.