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La liberté implique l’obéissance

frère Antonio Ramina

Parler de liberté est un peu comme marcher sur un terrain sacré. Il s’agit en effet de l’une des caractéristiques les plus importantes des êtres humains mais qui risque d’être mal comprise. Avant de commencer, il faut préciser que la liberté n’est pas seulement une des caractéristiques de l’homme mais qu’elle le définit comme une véritable personne responsable de ses actes.

Nous allons mieux comprendre la signification de la liberté en écoutant les paroles de saint Antoine. « La joie la plus grande est la liberté, mais tu ne pourras pas en jouir si tu ne plies pas le cou de l’orgueil à la chaîne de l’humilité et si tu ne mets pas les fers de la mortification aux pieds des désirs charnels. » (XV après Pentecôte) Notre Saint déclare d’abord que la liberté est la joie la plus grande mais en même temps, il en souligne un aspect presque paradoxal et apparemment contradictoire : la liberté humaine est liée à des limitations et à des constrictions.

On nous l’adit souvent : être libre ne signifie pas faire tout ce que l’on veut ! La liberté qui donne la joie n’est pas un caprice. Saint Antoine souligne que si nous voulons savourer la joie de la liberté, il faut renoncer à l’orgueil sous toutes ses formes et privilégier l’humilité ; il faut connaître nos pulsions égoïstes et les maîtriser. Il semble que le saint connaisse bien le risque de confondre la liberté avec l’instinct et pour cela il précise : la liberté est à la hauteur de l’homme seulement s’il choisit de se donner des limites salutaires.

Il exprime cette intuition avec ces paroles : « Comme les eaux sont enfermées dans un étang afin qu’elles ne coulent pas, ainsi dans le monde la liberté des pécheurs est limitée afin qu’ils ne jouissent pas de leurs plaisirs quand ils veulent. » (V après Pentecôte, 4) Ici Antoine nous fait remarquer que les personnes qui se sont acheminées sur la voie du mal ont besoin d’être presque « obligées » à s’orienter vers le bien. Elles n’y arriveront pas toutes seules. En effet, il y a des plaisirs faciles qui font du mal et des choix difficiles qui font du bien. Il en est vraiment ainsi : ce qui nous fait du mal est souvent facile, ce qui nous fait du bien est difficile à faire.

Voici une autre intuition perçante : afin qu’une personne puisse exercer sa liberté avec joie, il faut que cette liberté soit parfois mortifiée pour être éduquée à nouveau et être orientée vers le bien. Réfléchissons encore sur ces intuitions apparemment contradictoires. N’est-il pas contradictoire d’affirmer que pour être libre il faut obéir ? On aurait envie de dire : si je veux être libre, je ne dois obéir à personne. Mais non ! Voici ce que dit saint Antoine : « Puisque le chemin de la pauvreté et de l’obéissance est étroit, elles donnent la liberté, car la pauvreté nous rend riches et l’obéissance nous rend libres. » (Saint Jean Évangéliste, 3).

La pauvreté qui est le contraire de la richesse en réalité nous rend riches. L’obéissance qui semblerait la négation de la liberté, nous rend libres. Que cela signifie-t-il ? Qu’il y a des « passages étroits » à travers lesquels il faut passer car ce sont des lieux de nouvelle naissance et de régénération. Pour être libre, il faut passer à travers le passage étroit de l’obéissance. À qui et à quoi fautil obéir ? Chacun d’entre nous aurait une liste de personnes ou des situations à indiquer : obéir à sa femme, à son mari, à un ami, à un collègue...

La vie humaine se base sur l’obéissance réciproque, en se mettant à l’écoute les uns des autres. Et où chacun fait ce qu’il veut sans obéir à personne, il n’y a que tristesse, peur, rage et solitude. C’est exactement cela : on doit prendre un chemin étroit pour avoir la joie dans une vie nouvelle en laissant de la place à l’autre. C’est la logique de l’Évangile : perdre sa vie pour la sauver.