Année 131 - Septembre 2019En savoir plus
Les pèlerins, d’inlassables chercheurs de Dieu
abbé Livio Tonello, directeur
La vie est un voyage merveilleux: aller toujours de l’avant, parfois vite, parfois lentement, aller et partir, achever et recommencer. Rappelant le “passage” de l’esclavage à la liberté, la liturgie du peuple d’Israël continue de répéter: «Que chacun se considère comme quelqu’un qui vient de sortir d’Égypte».
C’est pour cette raison que la métaphore du chemin servira à indiquer l’obéissance aux commandements inscrits dans le cœur de chaque homme et qui ont été donnés à Moïse pendant le voyage dans le désert. Voilà pourquoi «marcher sur les chemins de Dieu» signifiera: écouter et mettre en pratique sa parole.
Pour les chrétiens, le “parcours” ne change pas: être disciples de Jésus de Nazareth signifie suivre ses pas (1 Pierre 2,21), marcher à sa suite en suivant l’exemple de ceux qui ont parcouru avec lui les rues de Galilée et de Judée jusqu’à Jérusalem, où il allait accompli son “voyage”, de ce monde à celui du Père.
L’itinérance, le pèlerinage dans la foi et le voyage intérieur s’entrelacent pour nous donner une clef de lecture de notre existence et de celle des autres. Chaque voyage, dans l’espace extérieur ou intérieur, a besoin de préparatifs, il demande des instruments et un habillement adéquat, il a besoin de provisions; mais la chose fondamentale reste la volonté de partir, de sortir d’une situation stagnante, de l’esclavage de l’habitude.
Pendant chaque aventure et aussi dans l’aventure chrétienne, des accidents de parcours peuvent avoir lieu, parfois on doit alléger la charge, on peut avoir peur des dangers qui menacent de l’interrompre et ceux qui doivent manger de la “manne” chaque jour, pourraient regretter les “oignons” de l’Égypte. Mais ce qui est fondamental, c’est la conscience du but de cette recherche.
La terre promise est une terre de délices, pas parce qu’elle est meilleure que la terre qu’on vient de quitter mais parce qu’elle est la seule terre authentique, la seule capable d’exprimer notre véritable vocation. Si l’itinéraire n’est pas seulement un déplacement d’un lieu à un autre, mais un franchissement des limites de l’inconnu et la possibilité de trouver de nouveaux aspects de la vérité, alors on comprend pourquoi il y a de frénétiques voyageurs immobiles et des amateurs passionnés de “l’ailleurs” qui n’arrêtent pas de découvrir des paysages inconnus et des trésors cachés car ils sont enracinés là où ils vivent.
Dans une conte juif repris par Martin Buber (1878-1965), on raconte qu’un certain Elsik de Cracovie avait rêvé qu’en se rendant à Prague, il aurait trouvé un trésor caché à côté du pont du palais royal. Il y alla à pied, chercha pendant plusieurs jours tout en subissant les moqueries d’un garde qui après lui avoir demandé ce qu’il cherchait, l’avait apostrophé en disant: «Tu es stupide si tu crois encore aux rêves!
Figure-toi que j’aurais dû alors me rendre à Cracovie pour trouver un trésor caché sous le poêle d’un certain Elsik...». Elsik le salua, revint chez lui, déplaça le poêle et il déterra le trésor. Oui, chaque voyage se termine là où il a commencé ou pour mieux dire, il ne se termine jamais mais il continue d’un début à l’autre, comme Thomas Eliot (1888-1965) l’exprime si bien: «On ne terminera jamais de chercher/ et la fin de notre recherche/sera arrivée là où on est parti/ et connaître ce lieu pour la première fois». Un cercle vicieux donc?
Non, si on reconnaît avec une stupeur toujours renouvelée que Dieu, qui est en nous, est le point de départ, alors le voyage est une manière de pénétrer progressivement dans la profondeur des mystères de Dieu, à travers une conscience toujours plus grande de nous-mêmes et de nos limites. Et recommencer le chemin sera alors plus doux.