Populaire, c’est-à-dire authentique

abbé Livio Tonello, directeur

Le mois de février est particulièrement important pour l’Association Universelle de Saint Antoine car, mardi 15, nous célébrons la fête de la Langue du Saint. Cette commémoration, la plus importante après la solennité du 13 juin, célèbre la découverte, il y a plus de 750 ans, de la langue de saint Antoine retrouvée intacte 30 ans après la mort du saint le 13 juin 1231.

C’est une date spéciale pour des millions de personnes pour lesquelles Antoine est le protecteur, l’ami et un témoin. Dans toutes les églises du monde, il y a une statue ou une image de ce grand saint dont la renommée est extraordinaire. C’est un véritable miracle, sans pour autant rien enlever à la popularité d’autres saints vénérés. Quelle est la signification de cette grande ferveur et des différentes formes de sa dévotion ?

La théologie l’appelle « piété populaire », c’est-à-dire religion du peuple. La religiosité « populaire » est une expression authentique du culte chrétien quoique différente des expressions officielles de la foi. La liturgie et le culte sont l’expression de la tradition chrétienne avec lesquels on rend louange à Dieu. En revanche, la piété populaire s’exprime dans des formes diversifiées et diffuses comme des gestes et des sentiments spontanés parfois folkloriques. Dans ses manifestations les plus authentiques, elle ne s’oppose pas au caractère central de la Sainte Liturgie, vénérer un Saint ou la Vierge Marie n’est pas la même chose qu’adorer Jésus, le Saint Esprit et la Trinité.

La vénération portée aux saints devient un culte rendu à Dieu qui est le seul qui donne les grâces pour lesquelles les saints intercèdent. La dévotion s’exprime en manifestant extérieurement les sentiments présents dans le cœur des fidèles, leur désir de se confier et de se reconnaître comme créatures en vivant d’une manière authentiquement chrétienne les moments de la vie comme la naissance, la maladie, l’amour, la mort, au rythme des saisons et du temps. Si dans la liturgie on reçoit, dans la pitié populaire on donne.

La dévotion pour saint Antoine devrait aider à atteindre Dieu : voilà quel a été le grand objectif du Thaumaturge qui s’était mis au service de Dieu pour mieux servir les hommes. Il est donc éclairant de rappeler qu’il y a soixante-quinze ans, Antoine a été proclamé « docteur de l’Église » par le Pape Pie XII qui lui reconnut les vertus de prédicateur, de théologien, de maître de la foi. Se confier au « Doctor Evangelicus » signifie regarder vers celui qui a mûri une profonde connaissance des Saintes Écritures proposées avec des paroles humaines : l’invoquer signifie exprimer sa foi en Celui qui élargit tous les dons ; l’imiter, c’est croire qu’il est possible de vivre l’Évangile avec cohérence.

Car c’est la foi qui rend possibles les grandes œuvres, même plus grandes que celles qui ont été faites par Jésus (Jean 14, 12). La religiosité populaire n’est pas une foi mineure mais elle représente la voix des humbles. Elle est l’humus de la vie ecclésiale, le terrain humble et fertile qui alimente la transmission de l’Évangile sous des formes sincères et authentiques. Chaque bougie allumée, chaque fleur donnée, chaque chapelet prié sont des gestes nobles. Ils expriment un abandon et une confiance que la froide rationalité n’arrive pas à expliquer.

Comme la beauté sauvera le monde, selon la célèbre phrase de Dostoïevski, ainsi la religiosité authentique du peuple pourra sauver le christianisme de l’oubli de la sécularisation. Que la bénédiction de saint Antoine puisse descendre sur vous, chers associés et amis de l’Association Universelle, avec toute ma gratitude pour votre fidélité et pour votre grande générosité !