Ce mardi matin la Cour Suprême du Pakistan a rejetté l'appel à un nouveau procès visant la mère de famille chrétienne, acquitté le 31 octobre dernier. Asia Bibi pourrait désormais quitter son pays où elle est menacée de mort par les islamistes.
Olivier Bonnel-Cité du Vatican
La sentence n'est pas une surprise mais elle était très attendue: Les juges de la Cour Suprême ont rejeté la demande de la partie adverse qui souhaitait que l'affaire soit réexaminée par un panel de juges et d'oulémas. La décision est logique : le magistrat qui présidait l'audience n'était autre qu'Asif Saeed Khosa, le président de la cour qui avait rédigé l'arrêt d'acquittement d'Asia Bibi fin octobre.
Il y a quatre mois, des milliers d'islamistes avaient bloqué trois jours durant les principaux axes du pays pour exiger sa pendaison, poussant le gouvernement du Premier ministre Imran Khan à signer un accord très controversé avec eux. Le pouvoir pakistanais s'était en effet engagé à lancer une procédure visant à interdire à Asia Bibi de quitter le territoire et à ne pas bloquer la requête en révision du jugement d'acquittement par la Cour Suprême. Une mesure qui avait provoqué la consternation de nombreux Pakistanais, accusant Imran Khan de céder au chantage des islamistes.
Libérée le 8 novembre de la prison de Multan, dans le centre du pays où elle était enfermée, Asia Bibi a été placée en lieu sûr, sa familles craignant des représailles. Cette affaire emblématique et très médiatisée, qui a provoqué une émotion internationale, montre combien la question de la liberté religieuse reste sensible au Pakistan. La loi contre le blasphème est souvent évoquée et instrumentalisée pour condamner les minorités dans le pays, parfois même les lyncher. Si le gouvernement pakistanais a souvent appelé à la modération, il fait l’objet de pression de la part des islamistes les plus radicaux.
Des avancées timides vers la liberté religieuse
La justice a néanmoins concédé quelques ouvertures envers les minorités. Le 16 janvier dernier, la Cour Suprême a ainsi restauré la valeur civile du mariage chrétien, une disposition qui existait avant 2003 mais qui avait été annulée. Concrètement, la plus haute instance juridique pakistanaise a ordonné aux Conseils de l’union d’enregistrer les mariages chrétiens en chargeant l’administration nationale en charge des registres et le gouvernement du Pendjab d’émettre des certificats de mariage en conformité avec la loi fédérale. «Une mesure très bonne» s’est réjoui le père Mario Rodrigues, recteur de la cathédrale Saint Patrick de Karachi.
Après cette décision de la Cour Suprême, plus rien n'empêche désormais Asia Bibi de quitter le Pakistan avec sa famille. Plusieurs pays comme la France ou le Canada ont proposer de l’accueillir. «L’affaire Asia Bibi», qui dure depuis bientôt dix ans est en tout cas emblématique des difficultés que vit la minorité chrétienne dans le pays nous explique le père Michel Protain, spriritain. Il a vécu dix années comme missionnaire au Pakistan. Il revient d’abord sur l’origine de cette histoire, qui a commencé autour d’un puit où Asia Bibi venait chercher de l’eau.
(Vatican News)