Son voyage aux Émirats arabes unis, le dialogue avec les musulmans, la situation au Venezuela ou encore la question des abus sur des religieuses: ce sont les principaux thèmes abordés par le Pape lors de la conférence de presse qui s’est tenue à bord de l’avion le ramenant d’Abou Dhabi à Rome, mardi 5 février.
Ce voyage de 2 jours aux Émirats arabes unis a été «trop bref», concède le Pape, mais il a représenté pour lui «une grande expérience». Interrogé sur ses premières impressions, le Souverain Pontife dit avoir été frappé par la modernité du pays qui l’a accueilli, par son «ouverture», visible dans l’Islam «fraternel» qu’il promeut, et par l’attention qu’il porte à l’éducation et aux innovations techniques, avec un regard toujours pointé en direction de l’avenir.
Le Pape confie avoir été particulièrement «satisfait» de la rencontre «profonde» qu’il a eue avec le Conseil musulman des Anciens, touché par la «sagesse» et la «fidélité», -selon lui, points de départ de l’amitié entre les peuples-, qui émanaient des membres de cette organisation vouée à encourager le dialogue islamo-chrétien.
Un document en droite ligne avec le Concile
Il est aussi longuement revenu sur le Document sur la fraternité humaine pour la paix dans le monde et la coexistence commune, qu’il a signé avec le Grand Imam d’Al-Azhar, Ahmed Al-Tayyeb. Durant plusieurs mois, le texte a fait l’objet de mûres réflexions, d’une préparation faite avec soin et dans la prière, car «en ce moment, pour moi, il y a un unique grand danger, a affirmé le Saint-Père : la destruction, la guerre, la haine entre nous. Si nous, croyants, nous ne sommes pas capables de nous donner la main, de nous embrasser, et aussi de prier, notre foi sera vaincue ». Face à des rumeurs d’instrumentalisation qui le visent, François a tenu à clarifier les choses: «ce document ne s’écarte pas d’un millimètre du Concile Vatican II», a-t-il fermement assuré, racontant l’avoir fait relire à des théologiens. «Ce n’est pas un pas en arrière, c’est un pas en avant qui vient d’il y a 60 ans, du Concile qui doit se développer», et porter encore du fruit. Ce document ambitieux, -qui se penche notamment sur la paix, l’éducation, la liberté religieuse et le droit des femmes-, devrait bientôt être étudié à l’Université Al-Azhar et dans certaines écoles, a confirmé le Pape qui a également évoqué sa visite au Maroc, en mars prochain, sur les traces de Saint Jean-Paul II. «Je voulais aller à la rencontre de Marrackech (conférence intergouvernementale sur les migrations, en décembre 2018- ndlr), mais il y a eu des questions protocolaires, je ne pouvais m’y rendre sans faire une visite au pays», a-t-il expliqué. La proximité des deux voyages est donc une coïncidence. «J’ai reçu d’autres invitations de pays arabes, nous verrons l’année prochaine, moi ou un autre Pierre», a-t-il encore précisé.
Médiation au Venezuela?
Interrogé par un journaliste sur la situation au Venezuela, le Pape affirme avoir reçu la lettre que lui a fait parvenir le président Nicolas Maduro: « je ne l’ai pas encore lue, mais nous verrons ce que nous pouvons faire». «Je suis toujours disposé» pour assurer une médiation, mais celle-ci doit être demandée «par les deux parties», a-t-il insisté.
La question des abus sur des religieuses
Répondant enfin à une question sur un article publié par le mensuel féminin de l’Osservatore Romano, lequel dénonçait des abus commis sur des religieuses et personnes consacrées par des membres du clergé, le Pape a affirmé que la maltraitance des femmes était un problème. «J’oserais dire que l’humanité n’a pas encore mûri: la femme est considérée comme quelqu’un de ‘seconde classe’. Partons de cela: c’est un problème culturel», qui ouvre ensuite la voie aux féminicides. «C’est vrai, à l’intérieur de l’Église, il y a eu des clercs qui ont fait cela. Il y a eu des prêtres et des évêques qui ont fait cela, et je crois qu’il y en a encore », a ajouté le Pape. Évoquant la suspension ou le renvoi de quelques-uns ainsi que la dissolution d’une congrégation féminine, il assure que le problème est pris en compte depuis un certain temps au Vatican. «Doit-on faire quelque chose de plus ? Oui. En avons-nous la volonté ? Oui. Mais c’est un chemin qui vient de loin». Et le Pape argentin de saluer l’œuvre entreprise dans ce domaine par son prédécesseur, Benoît XVI, qui a eu le courage de dissoudre une congrégation (…) dont certains membres, et jusqu’au fondateur, avaient ouvert la porte à cet «esclavage». Benoît XVI qui, alors qu’il était encore cardinal, avait recueilli les preuves documentées d’une forte corruption sexuelle et économique au sein d’une organisation religieuse, mais qui avait dû patienter jusqu’à son accession au Siège de Pierre pour pouvoir agir et débloquer la situation. «Le folklore le montre comme un faible. Mais il n’a rien de faible. C’est un homme bon, (…) mais fort», a martelé François, certifiant qu’il voulait lui-même avancer sur ce sujet.
(Vatican News)