L'ancien "porte-parole" de Benoît XVI et actuel président de la Fondation Ratzinger revient sur ses liens personnels avec le Pape émérite et sur la manière dont les catholiques peuvent et pourront s'imprégner de l'esprit du Pape émérite pour envisager l'avenir.
Entretien réalisé par Jean-Charles Putzolu - Cité du Vatican
En contact avec les journalistes et les médias du monde entier en tant qu’ancien directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, de Radio Vatican et du CTV, le père Federico Lombardi a eu la charge pendant tout le pontificat de Benoît XVI, de 2005 à 2013, «d’aider à la présentation de son service à l’Église».
Dans un entretien accordé à Radio Vatican-Vatican News, l’actuel président de la Fondation Ratzinger revient sur ses liens avec le Pape émérite, «un homme humble, à écoute, doté d’une grande profondeur»
Père Lombardi, vous qui avez été en quelque sorte «le porte-parole» du Pape émérite durant son pontificat. À quelles occasions rencontriez-vous Benoît XVI et comment qualifieriez-vous son mode de communication?
Je pense qu’il avait un langage, une expression de son magistère articulée, mais très claire. Il y a eu quelques occasions de crises ou de malentendus lors desquels il fallait expliquer la situation, ses intentions et sa pensée. Mais en général, il était pour moi un exemple de communication claire, ordonnée. J’ai été admiratif de la profondeur et de la clarté de sa pensée. C’était une pensée qui ne se résumait pas à un slogan, un simple mot ou à une image. Non, c’était plutôt un discours qui se développait avec une totale clarté et une capacité de mettre au centre l’essentiel, et de dire ce qui était nécessaire pour comprendre.
Les occasions les plus typiques de mes contacts personnels avec lui, avaient lieu après ses audiences avec des chefs d’État. Alors, j’avais une vraie discussion avec lui pour savoir ce qu’il s’y était passé. Il me disait: «Nous avons parlé de ça, ça et ca. Il a dit ça et ça; j’ai dit ça et ça». Je le remerciais et le saluais avant de prendre congé très rapidement, car en une ou deux minutes, tout était absolument clair. Tant le cadre de la rencontre que son contenu. Je me rappelle de sa rencontre avec Fidel Castro lors d’un voyage à Cuba. J’étais assez préoccupé par ce que j’allais dire aux journalistes. J’ai demandé à lui parler. Il était déjà à table pour le repas. Il m’a donné deux minutes et, en seulement deux minutes, j’étais totalement équipé pour répondre aux journalistes sur les attitudes, les contenus, les questions qui étaient posées. Il avait une vision synthétique et claire qui pour moi était exceptionnelle. Je ne connais personne d’autre au monde avec une telle aptitude.
Comment caractériser vos liens personnels avec Benoît XVI?
Une personne d’une humilité et d’une attention dans la relation avec l’autre vraiment excellente. Il était toujours très attentif à toi, à ce que tu demandais pour répondre de la manière la plus exhaustive et la plus claire à tes questions. Je n’ai jamais eu la sensation d’être l’inférieur devant le grand homme mais toujours sur un plan de totale fraternité de dialogue très simple et clair. Tandis qu’avec Jean Peul II, j’avais un peu plus de peur devant lui le grand géant de l’histoire. Avec Benoît c’était une totale confiance et clarté et je crois que François a eu raison de mettre l’accent sur son regard, un regard très clair et très profond. Tu pouvais voir quelqu'un qui essayait de voir pas seulement la surface mais la profondeur de ton cœur. Et aussi pour l’histoire, pour le monde autour de nous, pour l’Église c’était un regard long, profond, pas sur la surface mais sur l’essentiel et la profondeur et ça exprimait aussi très bien l’intention de sa pensée, l’articulation et la profondeur de sa réflexion qui était un semble de foi, d’amour et de raison.
Selon vous, quel héritage laisse Benoît XVI à l’Église universelle?
Il était un grand témoin de la foi lui personnellement, et comme soutien de la foi de l’Église. Une foi qui est toujours attentive à la raison et au dialogue avec les autres. Une foi raisonnable pour notre temps, qui comprend bien les grandes questions de notre temps pas seulement les événemnts de l’actualité mais la direction de notre histoire et les grandes questions. Dans ce sens, je pense que son herméneutique du Concile est très importante. Il continue à voir les effets positifs et les directions données par le Concile, pour voir comme un remettre dans la bonne direction selon la bonne formulation, la mission de l’Église dans notre temps: avec les relations avec les autres religions, la culture scientifique, la culture historique. Cela requiert un travail en profondeur, de réflexion, de culture, de témoignage de foi, d’amour.
L’articulation entre foi et raison fut au cœur de son discours au Collège des Bernardins et même au cœur de tout son pontificat?
Oui, mais toute sa vie a été ainsi. C’était un homme de foi, une foi enracinée très profondément dans le milieu catholique de la Bavière mais toujours accompagné de l’étude, de l’approfondissement, de la réflexion, du dialogue. Il a utilisé la raison comme moyen de dialoguer avec les autres, avec ceux qui n’ont pas la foi. C’est une ligne continue, tout au long de sa vie. Évidemment, l’étape finale de sa vie était plutôt consacrée à la prière et à préparer sa rencontre avec Dieu, mais tout son travail, tout son témoignage public et dans la vie de l’Église s’est vraiment appuyé sur ce binôme foi et raison, sur la foi raisonnable, sur Dieu, qui est logos et amour en même temps.
Comment cultiver la mémoire de Benoît XVI?
Naturellement son pontificat et son œuvre, c’est un œuvre de réflexion très riche mais il nous a aussi laissé un héritage d’écrits formidables et le travail de l’Opera Omnia est important. C’est une source pour le temps présent pour continuer de s’inspirer. Mais pas avec un regard tourné vers le passé mais vers l’avenir, car lui-même c’est un homme qui prenait toujours l’inspiration de la tradition, de la pensée des grands sauteurs mais toujours pour voir comment répondre, et bien, avec une foi vivante, aux questions du monde et de l’Église d’aujourd’hui. Alors si on veut continuer à s’inspirer de Ratzinger il faut avoir ce courage d’unir ‘foi et raison’ et dialogue avec le monde contemporain, selon son esprit et pas seulement selon ce qu’il a déjà écrit.
Certains le comparent à saint Augustin, grand Docteur de l’Église…
On le fait souvent et il y a un fondement à cela. Il est un disciple de saint Augustin, de saint Bonaventure, et d’autres grands pères de l’Église. Il s’est inséré dans une tradition, mais pour la continuer alors je pense que, oui, il est raisonnable de le comparer à de grands sauteurs du passé mais il était aussi un homme très humble et je pense qu’il faut aussi respecter sa discrétion et son humilité. Aussi, je préfère l’apprécier dans sa substance plutôt que de faire de grands discours sur lui.
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