Emanuela Campanile - Cité du Vatican
À travers une vie quotidienne simple, la famille Ulma fit vivre l'Évangile. L'éducation à la foi, la prière commune en famille, la lecture de la Bible ont fait des Ulma ce que Jean-Paul II a appelé une «Église domestique», ouverte, même aux plus démunis. Ces années-là, les «nécessiteux» étaient surtout les Juifs. À huit d'entre eux, les Ulma ont ouvert leurs portes, leur permettant de se cacher, offrant de la nourriture et de l'amitié, tout en étant conscients du risque immense.
Manuela Tulli, journaliste à l'agence de presse italienne ANSA, est autrice avec le père Paweł Rytel-Andrianik, historien et responsable de la section polonaise de Vatican News-Radio Vatican, de Uccisero anche i Bambini. Gli Ulma, la famiglia martire che aiutò ebrei (traduction non officielle en français: Ils ont même tué les enfants. Les Ulma, la famille martyre qui a aidé les Juifs). Envoyée en Ukraine pour suivre l’actualité de cette tragédie au cœur de l'Europe, la journaliste Manuela Tulli s'arrête dans le sud-est de la Pologne.
C'est une histoire qui m'a choisie
«J'ai rencontré la famille Ulma par hasard, c'est une histoire que je n'ai pas choisie, mais qui m'a choisie», confie-t-elle. Et si très souvent «nous, journalistes, partons à la recherche d'informations. Cette fois-ci, je peux dire que c'est le contraire». Partout en Pologne, Manuela Tulli affirme avoir vu des images, des dessins et des photos de cette grande famille qui a vécu il y a plus de 80 ans. «Franchement, je ne savais pas qui ils étaient, même si les Polonais le considéraient un peu comme une évidence. Mais ils rendaient heureux, rien qu'en les voyant... Ces deux parents si jeunes et avec tant de petits enfants».
Les samaritains de Markowa
Reprenant le fil de l'affaire de la famille Ulma, et revenant à Markowa dans les murs de leur maison, «nous trouvons dans la Bible familiale -toujours conservée– le mot "Samaritain" souligné et, à côté, une note disant "oui"», raconte Manuela Tulli. Une vocation embrassée dans la simplicité d'une vie restée laborieuse souligne la journaliste. «En témoignent les nombreuses photos prises par le chef de famille, Josef, photographe amateur, homme ingénieux et actif dans la communauté de Markowa».
Puis, la dénonciation, la trahison et les nazis qui font irruption dans la petite maison de la famille Ulma en tirant dans le grenier où se cachent les amis juifs. C'est le massacre. Josef et Wiktoria sont traînés dehors et fusillés devant les enfants. Wiktoria est enceinte de sept mois. Après le père et la mère, les enfants sont également «exécutés». La maison est incendiée.
Un martyre judéo-chrétien
Le père Paweł Rytel-Andrianik, historien et auteur du livre avec Manuela Tulli, souligne que l'assassinat des Ulma parle d'un martyre qui n'est pas seulement chrétien. «Le père François-Marie Léthel, consultant du dicastère pour les Causes des saints, a écrit dans L'Osservatore Romano qu'il s'agit d'un martyre judéo-chrétien. Par cette déclaration, il a voulu souligner que ce qui est clair, c'est que des innocents ont été tués: la famille Ulma et huit juifs, dont Shaul Goldmann et ses quatre enfants, Lea Didner et sa fille Reshla, âgée de cinq ans, et Golda Grünfeld».
Cette histoire est très émouvante, explique-t-il: lorsque les Allemands nazis sont arrivés dans la maison de la famille Ulma, ils ont commencé à tirer en direction du plafond où se trouvait le grenier, et le sang des victimes a commencé à couler du plafond. Sur cette goutte de sang, exactement en dessous, se trouvait la table sur laquelle était posée « -nous ne savons pas pourquoi- une photo de deux femmes juives, dont l'une portait l'étoile de David sur le bras. Cette photo a été conservée jusqu'à ce jour comme une "relique" du martyre juif».
Dans cette histoire, conclut le père Rytel-Adrianik, «on peut voir l'horreur de l'Holocauste, mais aussi la lumière de l'Évangile qui brille à travers ceux qui ont voulu l'incarner dans le concret de la vie quotidienne».
Le mal de la guerre n'a pas réussi à éteindre la lumière. Justes parmi les nations pour l'État d'Israël, bienheureux pour l'Église catholique, les Ulma ont tous été reconnus comme martyrs, même le septième enfant encore dans le ventre de Wiktoria.
Une béatification sans précédent
Comme l'a expliqué le préfet du dicastère pour la Cause des saints, le cardinal Marcello Semeraro, dans l’entretien rapporté dans le livre Ils ont même tué les enfants, la pétition présentée au Saint-Père incluait également l'enfant qui se trouvait dans le ventre de la mère, qui a probablement commencé l'accouchement, par peur, pendant l'exécution par les nazis. «Il s'agit d'un cas très singulier», que «nous pouvons appeler baptême de sang» en se référant à un épisode évangélique. «Je pense au cas similaire des Saints Innocents».
Le bébé, retrouvé dans la fosse commune après le massacre (la tête et une partie du corps, sortis de Wiktoria, ndlr), a été «jugée digne du martyre», a-t-il déclaré.
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